
Le match contre la Mauritanie est une belle opportunité
pour mettre fin aux zones d’ombre et à plusieurs interrogations. Pour repartir du bon pied et rebondir.
La CAN 2019 nous a déjà montré et appris une chose : les équipes qui ont piétiné lors des matches de préparation comme le Maroc (deux défaites, dont une face à la Zambie par 3 à 2) et l’Algérie (un 1 à 1 laborieux devant le Burundi au Qatar) ont bien débuté la compétition et ont fait le plein de points et avec la manière lors des deux premiers matches, assurant haut la main leur qualificaiton pour le second tour avant la troisième et dernière rencontre de leur poule. Par contre, des équipes comme la Tunisie, qui ont fait le plein de points dans les parties amicales, ont fait, elles, une entrée de tournoi cahotante et difficile.
Si Hervé Renard, le sélectionneur marocain, et Jamel Belmadhi, le patron de l’équipe d’Algérie, préparent déjà les huitièmes de finale, ménageant physiquement leurs joueurs et se permettant d’effectuer un petit turnover devant l’Afrique du Sud et la Tanzanie, Alain Giresse, lui, est dans une situation moins confortable avec l’obligation de gagner face à la Mauritanie par un tarif minimum pour assurer la qualification et par un large succès pour espérer terminer premier de la poule en cas de match nul du Mali ou d’une victoire surprise de l’Angola dans le troisième match qui les oppose justement à la même heure que Tunisie-Mauritanie.
Un bloc haut
Les «Aigles de Carthage» et leur infortuné coach Alain Giresse doivent répondre au devoir de réhabilitation, sauver la face, sortir de l’ombre vers la lumière et redorer l’image un peu ternie de notre football. Cette fois, il va leur falloir gagner en étant bons et assez convaincants avec un écart de plus de trois buts pour garder leurs chances de coiffer au poteau les Maliens pour la tête du groupe, devant une équipe de Mauritanie assez modeste en dépit de son match nul valeureux contre les Angolais. Cela nécessite une équipe qui joue haut la plupart du temps pour ne pas dire constamment durant les 90 minutes, pour étouffer d’emblée l’adversaire dans sa zone, le faire sortir vite de son arène une fois le premier but marqué, surtout qu’il commence à rêver, lui aussi, d’un succès historique qui le propulserait en huitièmes de finale, avant de lui asséner le coup de grâce. Pour y parvenir, nous n’avons pas trente-six solutions, pas même le droit d’opter pour un bloc médian qui faciliterait aux Mauritaniens la tâche défensive et leur permettrait, même avec une mauvaise organisation derrière, de bien se défendre et de réduire au maximum les espaces dont nous avons besoin et que nous devons créer pour nous mettre, non pas par intermittence, mais à maintes reprises, dans des situations favorables de marquer le plus de buts.
Même si le système en 4-2-3-1 a bien fonctionné devant l’Angola et convient le plus à l’équipe, et puisqu’il a prouvé ses limites dans l’animation offensive et la concrétisation, nous devons passer au 4-4-2, certes jugé trop classique avec l’association de la paire Khazri-Khénissi comme fers de lance d’une attaque à deux têtes, omniprésents au cœur de la défense adverse pour jouer plus en profondeur et verticaliser le jeu, et complémentaires dans leurs appels, leurs passes l’un à l’autre en retrait ou en déviation pour que le meilleur positionné face au but puisse en profiter pour le service et le bien du collectif surtout qu’ils sont tous les deux opportunistes et manquent rarement de transformer une dernière passe bien adressée en but imparable pour les portiers les plus adroits et les plus futés. Un pareil tandem capable de faire parler la poudre — s’il est dégagé de tout travail de repli et s’il se projette toujours vers l’avant — a besoin de bons pourvoyeurs en ballons utiles et de gros travailleurs sur les deux couloirs, très actifs, très remuants, assez percutants et explosifs dans les percées le long de la ligne de touche. Naïm Sliti, Anice Badri, Bassem Srarfi peuvent s’acquitter de ce gros boulot offensif avec l’apport d’un arrière, comme Wajdi Kechrida, un latéral, certes, mais qui peut se transformer en attaquant supplémentaire, comme le fait Ahmed Almohammady dans l’équipe d’Egypte qui a marqué deux buts décisifs et libérateurs. Reste l’énigme Youssef Msakni qui n’est plus le patron de l’équipe, le référent et le relais de l’entraîneur sur terrain. C’est un point qu’il faut résoudre pour que l’équipe qui est mature — nous n’en doutons pas — ait plus de personnalité et de caractère dans le jeu.
Reste aussi le cas du dernier rempart qu’est le gardien. Refaire confiance à Farouk Ben Mustapha et le remettre dans le bain ou donner une chance à Mœz Ben Chrifia pour évaluer le rendement et la forme du moment des trois portiers avant de refaire la hiérarchie et de choisir définitivement le numéro un pour le deuxième tour.
Reste aussi la mystère d’Alain Giresse dans la gestion du match et son coaching. Il n’a droit qu’à trois changements et il doit bien les gérer pour qu’ils soient gagnants, qu’ils donnent un vrai plus. Bien changer poste par poste ou profil par profil, c’est «appuyer sur le bon bouton au bon moment» pour que la machine reste toujours suffisamment huilée et continue de carburer malgré les modifications apportées. L’équipe a aussi besoin d’un peu plus de liberté et d’autorité sur le terrain pour fonctionner par moments toute seule. Alain Giresse ira-t-il dans ce match jusqu’à opter pour ce que les grands sélectionneurs appellent «l’activation du pilotage automatique» pour que ses joueurs aient plus de responsabilités sur le dos et trouvent eux-mêmes les solutions de mettre en difficulté l’adversaire et de ne pas se mettre eux-mêmes en difficulté? Il a peut-être intérêt à le faire pour apaiser toute cette tension qui commence à monter autour de lui.
Hédi JENNY